Chapitre 12 – Le Pacte de Verre

Le voyage vers le nord commençait sous une lueur sinistre. Depuis les hauteurs d’Altherion, les terres du continent paraissaient floues, comme voilées d’une brume artificielle. Le ciel ne s'était pas dégagé depuis la rencontre avec les dragons déchus. Le monde semblait retenir son souffle.

Le trio avait pris une voie oubliée, contournant les routes surveillées par les Cartels et les Ordres. Ils devaient atteindre la Citadelle de Veyrune, au nord des montagnes grises, là où, selon les rêves de Li-Mei, se trouvait le Fragment de Miroir.

Ce fragment était particulier. Contrairement aux autres, il ne conférait pas de pouvoir direct. Il révélait la vérité. Celle que l’on cache aux autres... et celle que l’on se cache à soi-même.

La Citadelle de Veyrune était un monolithe cristallin, érigée dans une clairière où la lumière du soleil semblait déformée. Ses murs étaient faits d’un verre ancien, presque vivant, et renvoyaient des reflets du passé à quiconque s’y aventurait.

— « Ce lieu n’est pas fait pour les mensonges », avertit Li-Mei en franchissant la première arche.

Gabriel sentit dès lors une pression étrange sur son esprit. Les murs semblaient l'observer. Chaque pas résonnait avec un écho qui n'était pas le leur.

Au centre de la citadelle se trouvait une salle circulaire, dont le sol était un vaste miroir noir. Au plafond, un puits de lumière filtrée par des cristaux rendait l’air iridescent. Le Fragment de Miroir reposait là, lévitant juste au-dessus du centre, comme suspendu entre deux vérités.

Mais lorsqu'ils s'approchèrent, le sol se troubla.

Et le miroir réagit.

Il ne reflétait pas leur apparence, mais leurs peurs. Gabriel vit une version de lui, en armure noire, à genoux devant un trône vide, couvert de sang. Li-Mei se vit enfant, fuyant un temple en flammes, portant la culpabilité de survivre. Théo, lui, ne dit rien. Il vit une image, mais la garda pour lui.

Pour s’emparer du fragment, chacun dut poser la main sur son reflet et l’accepter. Pas le combattre. Pas le fuir.

Gabriel fut le premier. Il ferma les yeux, inspira lentement, et toucha l'image de ce qu'il aurait pu devenir. Le miroir se brisa en une onde claire, et le fragment entra en lui.

Li-Mei suivit, en larmes, le regard droit. Son reflet s’évapora en un nuage de lumière douce.

Théo hésita longuement. Quand il posa la main sur son reflet, le miroir ne vibra pas. Il s'assombrit. Puis seulement, il s'éteignit. Rien ne fut dit. Mais Li-Mei baissa les yeux. Elle avait compris.

Alors le Fragment de Miroir les lia, un instant, dans une vérité commune. Ils se virent les uns les autres, à nu. Pas comme des héros. Comme des gens brisés, fatigués, mais encore debout.

Puis la lumière changea.

Une voix émergea du vide. « Ils avancent. L'Ordre des Hautes Cendres. Ils savent que vous possédez les fragments. »

C'était la Citadelle elle-même qui parlait. Un esprit ancien, gardien de la vérité. Elle leur montra des visions : des convois se déployant, des espions masqués en route vers eux, des traîtres parmi les proches alliés.

La guerre de l’ombre avait franchi un nouveau seuil. Et cette fois, ce n'était plus un jeu de fragments. C'était une course contre le mensonge lui-même.

Et ils n’étaient pas certains de gagner.