Chapitre 18 : Les Portes de l'Éclipse

Le ciel au-dessus de Velorn avait changé de visage.

Sous les failles béantes, le soleil lui-même semblait vaciller, comme un feu mourant. La lumière filtrée par les Brumes teintait le monde de nuances irréelles — des bleus profonds, des pourpres venimeux, des ors ternis. Chaque respiration semblait plus lourde, comme si l'air lui-même hésitait à nourrir encore la vie.

Fyrael marchait, guidé par la lueur vacillante de l'épée cristalline. Chaque pas l’éloignait davantage de l’ancien monde et le rapprochait du seuil qu’aucun vivant n’avait franchi depuis mille ans : les Portes de l'Éclipse.

Elles se dressaient devant lui, colossales, formées de deux ailes de pierre noire gravées de symboles mouvants, que seuls ceux portant la mémoire des anciens serments pouvaient lire.

Sur l'une d’elles, une inscription vibrante :

"Ici commence la route vers l'oubli ou la renaissance."

Fyrael posa la main sur la surface froide. À son contact, les symboles s'illuminèrent brièvement, réagissant au fragment du pacte qu’il portait en lui.

— « Seul... je ne pourrai pas passer, » murmura-t-il, devinant déjà ce que le rite exigerait.

Derrière lui, des silhouettes commençaient à émerger des Brumes.
Pas des ennemis.
Pas encore.

C’étaient des survivants. Des porteurs de fragments. Des êtres que Sélénéa, par son sacrifice, avait éveillés.

Parmi eux :

Un enfant au regard ancien, portant un fragment d’étoile.

Une femme aux cheveux blancs, tisseuse d’ombres.

Un géant silencieux, tatoué de runes brisées.

Chacun avançait avec une lenteur solennelle, attiré vers les Portes comme par un appel irrésistible.

Neryda, dernière Voix de l’Accord Silvarien, apparut à la lisière.

— « Le serment ne peut être renouvelé qu'ensemble. Sélénéa a semé la graine... vous êtes la floraison. »

La lame dans la main de Fyrael vibra à nouveau, résonnant avec les fragments portés par chacun.

Soudain, la terre trembla.

Derrière les Portes, un grondement sourd monta, comme une bête titanesque se réveillant d’un sommeil séculaire.

— « Dépêchons-nous, » souffla Fyrael.

Chacun posa la main sur les ailes de pierre. Les fragments s'illuminèrent, projetant des éclats de souvenir, de douleur, d’espoir...

De vérités anciennes, prêtes à renaître.

Une lumière aveuglante éclata entre les Portes.
Un instant suspendu.
Un battement de cœur qui couvrit tout bruit.

Puis, lentement, majestueusement, les ailes s'ouvrirent, révélant un chemin suspendu dans le vide :
Un pont d'éclats d'âmes, tissé de souvenirs et d'espoirs mêlés.

Au bout de ce chemin, dans une lumière douce et impossible, une silhouette attendait.

Elle n'était ni vivante ni morte.
Elle était la mémoire de Velorn elle-même.

Et dans sa main tendue... l'écho du pacte originel.