Chapitre 11 : Le Pacte de Silvaronne

Le vent soufflait sec au sommet des crêtes de Silvaronne. Des étendues d’herbes argentées dansaient comme des vagues au rythme d’un chant ancien, et les ruines d’une cité oubliée se dessinaient à l’horizon, comme des dents de pierre plantées dans la chair du monde.

Sélénéa et Fyrael avançaient en silence, leurs pas désormais plus lourds, lestés de visions et de vérités qui les dépassaient. Depuis les Brumes, les nuits étaient plus agitées, et chaque rêve semblait être un fragment d’avenir ou de passé. Un filet de sang coulait parfois de l’oreille de Sélénéa à son réveil, mais elle refusait d’en parler.

— « Nous sommes proches du Cœur de Velorn, » dit-elle à mi-voix, plus pour elle-même que pour Fyrael. « Je le sens dans mes os. »

La cité de Silvaronne avait autrefois abrité les tisseuses de pactes — des êtres capables de lier les volontés par la magie des mots. Aujourd’hui, seuls les échos de serments brisés en peuplaient les couloirs. En franchissant la grande arche couverte de lierre noir, ils pénétrèrent dans un silence sacré, plus pesant que la mort.

Une lumière pâle filtrait à travers un vitrail brisé, projetant des couleurs éparses sur une grande salle circulaire. Là, au centre, reposait une table ronde fissurée, et douze chaises vides.

Mais une treizième silhouette se tenait là, drapée dans une cape couleur de crépuscule.

— « Vous venez trop tard, ou peut-être trop tôt, » dit la voix, douce mais chargée de pouvoir. « Les pactes sont morts… mais les dettes, elles, survivent. »

Fyrael s’avança, les crocs légèrement découverts.

— « Qui es-tu ? »

La silhouette retira sa capuche. C’était une femme, à la peau aussi pâle que la lune, et aux yeux d’un violet profond. Son front était orné d’un éclat de pierre chantante.

— « Mon nom est Neryda. Dernière Voix de l’Accord Silvarien. Et vous portez tous deux les fragments de ce qui fut scellé ici il y a mille ans. »

Sélénéa se raidit. Elle savait déjà. La salle résonnait avec sa propre essence.

— « Le pacte de Velorn… celui qui liait les royaumes au Grand SECRET. »

Neryda acquiesça lentement.

— « Ce que vous appelez le Secret… n’est pas un pouvoir, mais une dette collective. Un fardeau partagé par ceux qui croyaient pouvoir jouer avec les forces primordiales. Et Zëfar… a brisé l’équilibre. »

Les vitraux tremblèrent à l’évocation du nom. Un courant d’air glacial s’engouffra dans la salle. La pierre centrale de la table se mit à luire d’un éclat écarlate.

— « Le Conseil de Gladeen s’apprête à reformer un pacte… mais sans en comprendre le prix. Vous devez choisir : réactiver l’Accord… ou le laisser mourir pour de bon. »

Fyrael croisa le regard de Sélénéa. L’espace d’un instant, ni la guerre ni le chaos ne semblaient pires que la peur de se tromper de destin.

— « Et si on refuse ? » demanda-t-il.

Neryda s’effaça dans l’ombre, ne laissant qu’un murmure :

— « Alors Velorn tombera non pas dans la guerre… mais dans l’oubli. »

Sélénéa posa sa main sur la pierre centrale. Elle était brûlante. Et sous sa surface, une voix ancienne, presque la sienne, lui demanda simplement :

"Es-tu prête à te souvenir ?"

Et elle répondit.