Chapitre 10

Les Gardiens de l’Ombre

Lucien sentit son cœur se serrer en observant les villageois alignés devant lui, leurs visages marqués par une étrange fixité. L’éclat des pièces dans leurs mains semblait danser sous la lumière des torches, projetant des reflets inquiétants sur les pavés de la place.

Gaspard, toujours aussi insaisissable, affichait un sourire amusé, comme s’il savourait chaque seconde de ce spectacle.

— « Tu vois, Lucien… Ce n’est pas une malédiction. C’est un don. Et ceux qui ont reçu une pièce ne veulent pas la perdre. »

Lucien sentit Hubert se raidir à côté de lui. La vieille femme, quant à elle, gardait une main crispée sur son sac contenant la pièce ternie. Ils étaient en minorité, et pire encore : leurs adversaires n’étaient plus tout à fait eux-mêmes.

Un frisson lui parcourut l’échine.

Il devait s’éloigner d’ici.

La Fuite dans les Ruelles
— « Hubert, on doit partir. Maintenant ! »

Sans attendre, Lucien attrapa son compagnon par le bras et fit volte-face, courant à toute vitesse vers l’obscurité des ruelles. Derrière eux, un tumulte s’éleva. Des bruits de pas précipités, des souffles courts… Ils étaient poursuivis.

Les ruelles de Trésorville, habituellement si familières, lui semblaient désormais oppressantes. Les ombres des bâtisses s’étiraient anormalement sous la lumière de la lune, comme si elles tentaient de les happer.

Lucien prit un virage serré, manquant de trébucher sur les pavés irréguliers. Hubert haletait derrière lui, peinant à suivre le rythme.

— « Par ici ! » cria une voix.

Lucien aperçut la vieille femme leur faire signe depuis une petite porte entrouverte. Sans réfléchir, il s’y engouffra, refermant précipitamment derrière Hubert.

Ils étaient en sécurité… pour l’instant.

Les Murmures dans l’Ombre
— « Ils ne vous lâcheront pas. » murmura la vieille femme en verrouillant la porte derrière eux.

Lucien se laissa tomber sur un tabouret, le souffle court.

— « Qui… Qui sont-ils vraiment ? »

Elle s’assit lentement en face de lui, jetant un regard inquiet vers la fenêtre.

— « Les pièces ne sont pas de simples artefacts. Elles choisissent leurs porteurs, les lient à quelque chose de plus grand. Ceux qui les gardent trop longtemps… »

Elle hésita avant de poursuivre, baissant la voix :

— « … finissent par ne plus leur appartenir. »

Lucien échangea un regard avec Hubert.

— « Ils sont… possédés ? » demanda ce dernier, la voix tremblante.

— « Pas entièrement. Pas encore. Mais ils ne sont plus tout à fait eux-mêmes. Une conscience ancienne se réveille en eux. Une volonté venue du Royaume des Secrets. »

Un silence pesant s’installa.

Lucien sentit un poids énorme peser sur ses épaules. Il comprenait désormais que la situation dépassait largement Trésorville.

— « Comment briser leur influence ? » demanda-t-il, déterminé.

La vieille femme hésita.

— « Il y a une légende… On raconte que pour détruire ces pièces, il faut remonter à leur source. Retourner au Royaume des Secrets et atteindre le Cœur de la Forge. »

— « La Forge ? »

— « Là où elles ont été créées. »

Lucien serra les poings. Il savait ce que cela signifiait.

Il devait retourner sous terre.

L’Apparition des Gardiens
Un bruit sourd résonna soudainement contre la porte. Un coup violent, puis un autre.

Ils se figèrent.

— « Ils sont là. » souffla la vieille femme.

Lucien s’approcha lentement de la fenêtre et jeta un coup d’œil à l’extérieur.

Ce qu’il vit lui glaça le sang.

Les villageois possédés n’étaient plus seuls. D’étranges silhouettes encapuchonnées se tenaient dans l’ombre, observant la maison avec une immobilité inquiétante. Leurs visages étaient masqués par des capuches sombres, et leur simple présence semblait aspirer la lumière autour d’eux.

— « Les Gardiens de l’Ombre… » murmura la vieille femme, le visage blême.

Lucien sentit une sueur froide couler dans son dos.

— « Qui sont-ils ? »

— « Ceux qui protègent le secret du Royaume. Ils existent pour empêcher quiconque d’interférer avec leur équilibre… et nous avons attiré leur attention. »

Un silence oppressant tomba sur la pièce.

Puis, la porte explosa sous un choc violent.

Les Gardiens entraient.

Lucien savait qu’il n’avait plus le choix.

Il devait fuir… et descendre dans les profondeurs pour mettre fin à tout cela.